Qu'achète-ton en achetant un jeu ?
Aujourd'hui, nouveau type d'article. Cela fait maintenant quelques années que je suis la communauté française du jeu de société dans son ensemble. J'ai discuté, bien sûr, avec de nombreux joueurs, mais pas que. Des auteurs, parfois, des illustrateurs, rarement, et des éditeurs, bénévoles divers, membres d'associations, gérant de boutique, etc... toutes ses discussions, systématiquement intéressantes pour diverses raisons, m'ont amenées à avoir une vision, ma vision de notre passion commune. Les réseaux sociaux, aussi, ont leur part d'importance dans ce cheminement, de part leurs codes, leur dynamique propre.
Et comme j'ai trouvé tout ça intéressant, je me dis aujourd'hui : et si on s'ouvraient tous ensemble à certains débats. Et si nous discutions ensemble de certains sujets. Il est toujours très passionnant de confronter ses opinions à ceux des autres, dans une optique d'ouverture d'esprit. Ce que je pense aujourd'hui, le penserais-je encore demain, si l'on m'apporte de nouveaux éléments, un angle de vue différent ? Ce sont donc des sujets autour du jeu que nous aborderons ici et qui ont pour vocation de se voir débattus, notamment sur Facebook, afin d'échanger sur cette passion du jeu qui nous anime.
En ce lendemain du FIJ (Festival International du Jeu, Cannes), une question se prête tout particulièrement à la discussion. Beaucoup le savent, le jeu "The Mind" a remporté l'As d'Or. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cela fait débat. Pour certain, The Mind est une belle innovation, qui utilise de manière très subtile la notion de temps, l'impatience ou la patience des joueurs, une certaine forme de communication non-orale et une forme d'instinct. Pour d'autre, il s'agit d'une vaste supercherie, un pseudo jeu avec de simples cartes numérotées de 1 à 100, qui surfe sur une envie de faire de l'innovation pour faire de l'innovation.
Si j'ai un petit avis sur le sujet, ce n'est pas ce vers quoi je souhaite orienter le débat. Au contraire, j'aimerais partir de ce fait pour élargir tout ça et poser une question beaucoup plus généraliste :
Qu'achète-ton en achetant un jeu ?
Pourquoi utiliser The Mind comme exemple ? Tout simplement car ici, on perçoit immédiatement ce qui fait tant débat, l'aspect clivant de la chose : quand certains y voient une mécanique originale, une nouvelle façon de jouer, les autres voient un matériel pauvre, un simple paquet de carte. Et la question, ou du moins LES questions sont bien là. Achète-ton un jeu pour son matériel, pour le travail d'un éditeur ? L'achète-t-on pour sa mécanique, son originalité, l'idée brillante d'un auteur ? Autre chose ? Un savoureux mélange des deux ? Mais dans ce cas, un jeu à l'idée brillante et un matériel pauvre, ou un jeu avec un matériel somptueux mais à la mécanique faiblarde sont-ils tous deux de mauvais jeux ?
Il est vrai qu'il n'est pas simple d'y répondre. Notamment car une chose est particulièrement complexe à formuler : quelle est la valeur d'une idée ? On peut plus facilement s'imaginer la valeur du matériel. Quoi que... on a plusieurs fois entendu par-ci par-là que le plastique était parfois moins cher que le carton, ce qui peut remettre en cause notre perception de ce qui est qualitatif et ce qui ne l'est pas. Et la question de l'écologie aujourd'hui peut aussi avoir son importance, car produire en France ou en Chine ne représente pas le même coût, mais n'a pas non plus la même empreinte carbone.
Par ailleurs, il y a également une grande part de création artistique dans le matériel : les illustrations. Et là encore, se pose la question de "combien vaut ce travail d'illustration?"
Beaucoup de questions, donc, autour de l'énigme : quelle est la valeur d'un jeu ? Ou plutôt, quelle est la valeur que JE donne à ce jeu, et pourquoi ?
Un élément important est que, de nos jours, les jeux pullulent. Pas le temps d'en acheter un qu'un autre, forcément mieux, forcément plus beau, est sorti... et donc il nous le faut. Sauf que le porte-monnaie ne suit pas. Et comme il ne suit pas, on se met à comparer, pour essayer de faire le meilleur choix. Pourquoi prendre celui-ci, ou celui-là. Et comme il n'est pas possible de jouer à TOUS les jeux avant de les acheter, on se raccroche à ce qu'on voit... le matériel. Bien sûr, on essaiera de regarder ou lire des tests, pour avoir une vision d'ensemble. Mais ces tests, aussi objectif que soit le testeur, sont toujours sujet à interprétation et à la subjectivité involontaire de celui qu'on lit, qu'on écoute, qu'on regarde. Donc finalement, reste pour une grande part le matériel, les visuels, la communication qui est faite autour de ces jeux. Forcément, la mécanique, l'idée de l'auteur, l'originalité passe un peu en retrait.
Dès lors, on va voir les mêmes débats un peu partout : le jeu vaut-il ce qu'en demande le vendeur (sous entendu la chaîne auteur-éditeur-distributeur-revendeur) ? Et chacun y va de son petit commentaire, forcément, moi le premier. Mais souvent revient la sacro-sainte expression "On en a pour son argent avec tout le matériel!". Moi de répondre "Euh, bah oui mais attends José... si la mécanique est pourrie, on fait quoi?"
Alors bien sûr, il y a également à prendre en compte le fait que chacun ne donne pas la même importance à la "beauté" d'un jeu (vous noterez les guillemets, signe d'une lourde subjectivité dans la définition de ce qui est beau et ce qui ne l'est pas) ainsi qu'à la mécanique. Certains préféreront un beau jeu, car il leur permet de voyager, d'être transporter dans un autre univers, un autre monde, une autre époque, sans forcément se soucier davantage de la profondeur du système. D'autres s'en tamponneront joyeusement des illustration et des jetons en vieux papier mâché, tant qu'ils pourront se fracturer le cerveau à chaque prise de décision.
C'est donc pourquoi il m'intéresse de débattre du sujet avec toi ludicopaing, pour comprendre ce qui t'anime, les raisons qui te pousse à acheter un jeu, comment tu le choisis... bref, ce qui se cache derrière le "aller hop, celui-ci, je l'achète"!!!
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